Magali Pointreau

LETTRES D'AMOUR | première lettre

LETTRES D'AMOUR | première lettre

Oh mon Amour,

Je suis seule face à cette plage devenue déserte.

J’ai bien trouvé un ami, l’autre jour, celui de mon anniversaire, il y a déjà tout juste une semaine. Ma belle rencontre 2020; à ce jour où il n’est plus avisé d’avoir de contact avec les humains.

Je m’en suis tout d’abord réjouie, de ces premières affinités, avec ce sage métissé de cultures venues du Sénégal et d’Italie. Une « rencontre éclair » qui allait se prolonger en compagnonnage « covidé » grâce à un bouchon de réservoir d’eau oublié, puis perdu…

Où avais-je la tête pour oublier de refermer ce réservoir de sécurité? À l’hésitation!
À lui – déjà loin, en tête à tête avec son tam-tam dans une communication auréolée de volutes odorantes;
à moi, déjà partie en pensée rejoindre la communauté du Sanctuaire Animalier – et qui n’osais le déranger.
Au destin qui me disait: « C’est comme ça! Tu lui transmettras l’information  « comment se débarrasser naturellement des échardes de bois » par une autre
voie. »

Et ça ne s’est pas passé comme ça…
Je lui ai téléphoné. Il m’a retrouvé sur cette aire d’arrêt le long de la nationale et nous sommes partis avec son véhicule acheter le bouchon. J’ai alors pris la mesure de cette amitié naissante; des cadeaux qui s’offraient à moi sur cette terre saine et porteuse de joie.

Dès le lendemain, l’Espagne était au coronavirus. La plage interdite, les commerçants inquiets ou absents… Cependant que les chevaux continuaient de paître tranquillement, les éoliennes et les vagues de tourner aux grands vents, tandis que je perçais ma première noix de coco en regardant l’autre continent…

Et je suis restée sur ce vert territoire d’Andalousie qui me plaît, sur cette terre grasse et salée qui donne à voir un autre monde : à douze kilomètres pointe l’Afrique.

Oh mon Amour,
Je suis seule face à cette plage devenue déserte.

J’ai bien trouvé un ami l’autre jour, lors de ma révolution solaire. Nous avons beaucoup échangé, partagé repas et ri de nos travers, comme des frères… Mais déjà je me lasse.
Je me lasse de ses paroles devenues trop abondantes lorsqu’elles s’égarent du sujet de partage et digressent vers des histoires qui n’enrichissent notre quotidien de rien qui ne soit pratique ou philosophique. Des anecdotes me semble-t-il, en tout cas réceptionnées comme telles sur la fréquence de mes vibrations singulières.

Oh mon Amour,
Je suis seule face à cette plage devenue déserte.
Chaleureux miroir d’une découverte : celle de mes intentions dans une relation.
Le concret-pratique et le philosophique.

J’ai reporté par deux fois mon retour au Sanctuaire Animalier du Chandelier – l’objet de mon retour de trois jours n’étant plus.
J’ai choisi la solitude et la reconquête de ma créativité à un compromis me garantissant la liberté de déplacement et l’attente de cette fin de confinement dans le confort de cent hectares arborés sur une terre orangée; dans le confort de ne manquer ni de cet amour inconditionnel que je ressens en la présence des animaux, ni de contacts humains au sein de cette communauté émergente.
C’ est drôle, sur le papier, tout y est. Tout est exaucé. Merci. Cela répond à mes aspirations, à nouveau posées depuis décembre dernier. Cependant demeurait un vide… aujourd’hui comblé.

(Oh mon Amour,
Je suis seule face à cette plage devenue déserte.
La porte de mon fourgon-maison ouvre sur la plage silencieuse.
Seule habitation saisonnière et désormais fermée: le Gaïa beach club, qu’un c emporté par les grands vents transforma en Gaïa beach lub.)

La Terre. Je suis face à l’Océan. Mon corps est terre.

Mon corps est terre: je lui donne de l’engrais; un peu trop souvent et prends plaisir à sortir dans les dunes me décharger.
Mon corps s’occupe. Je fais des exercices rapportés du Népal face au Soleil pour ne pas perdre de ces belles couleurs abricotées tout en faisant le plein de vitamine D; du tri aussi, et quelques améliorations de conception/d’organisation dans le camion.
Mon esprit et mon cœur sont en joie : je suis ici et là, dans la contemplation. J’écris et je réfléchis. Ma réflexion transite par les doigts. J’observe les animaux et communique avec eux: mouches, chenilles processionnaires, scarabées, moineaux, hérons, chiens voyageurs.

Oh mon Amour, je suis face à cette page devenue déserte et je t’aime.

J’aime ton dynamisme, ton élan, ta créativité, ta manière de voir le monde et d’envisager les rencontres. Il me semble que chaque rencontre te questionne sur la situation et que tu ajustes ton gouvernail en fonction du message.

Oh, mon Amour,
ce que tu portes en toi résonne en moi car je le porte aussi.

(Ces expériences me nourrissent. Elles sont mes présents. En participant, je suis dans le présent.)

On a tous besoin d’être accompagné, de collaborer.
Pour certain, le service, c’est la voie de la libération.

Oh mon Amour,
je suis seule face à cette belle plage et tout va bien.

Je suis dans mon fourgon maison car mes Pourquoi ce choix ? étaient épris d’envies, qui se sont transformés en besoins dans ma vie: liberté, autonomie, militantisme minimaliste. Tout est là et s’affine à mesure que je me déplace et expérimente une idée de Moi, reçue – qui se dévoile à mesure que je me déplace et expérimente un Moi vécu.

Oh mon Amour,
ce que j’aime en Toi, je le porte en moi, à mon rythme.
Quand je suis avec toi, tout s’accélère.
Ce que j’aime en Moi, et que tu portes en toi, à ton rythme, je voudrais te le valoriser.
Calme et Contemplation.

Mon Amour, c’est Toi ;
Mon Amour, c’est Moi ; Mon Amour, c’est Nous.
J’écris pour un Nous singulier et pluriel, pour Celles et Ceux qui s’ignorent aussi.

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